Chacun décide de sa voie

Les terres de Telara sont plus hostiles de jour en jour.
A tel point qu'il devient de plus en plus difficile de voyager en solitaire, et que la moindre faiblesse, de corps ou d'esprit, peut être fatale.

C'est bien ce qui a manqué arriver à Vanadis aujourd'hui, qui n'a dû son salut qu'au hasard faisant passer un guerrier par là au moment où elle se sentait défaillir.


Le Mathosien fit trépasser un des combattants Aelfwars avec qui la Haute-Elfe était aux prises, tandis qu'elle s'occupait d'un autre.
Au terme du combat, à bout de souffle, elle le remercia dans un soupir.
Il la salua et reprit simplement son chemin.

C'était la seconde fois qu'on l'aidait de cette manière et cette situation lui remémora la première.
De nombreuses images passant devant ses yeux, elle resta figée quelques minutes.


C'était un jour d'hiver, il y a bien longtemps, dans cette autre vie.
A la même époque de l'année, à un mois et demi près.
Un visage connu l'avait sauvée ; le seul qu'elle aurait voulu voir et en même temps le seul qu'elle voulait fuir.
Elle se rappelait encore ce qu'elle avait ressenti ce jour-là : des doutes, des certitudes, et de l'espoir.
Un espoir réalisé, des rêves concrétisés. Ces rêves mêmes qui l'ont trompée plus tard.


Assommée par le souvenir de cet espoir si sournois, elle tomba à genoux et fondit en larmes.
Mais elle ne pleura que quelques secondes. Les mains à terre, elle enfonça ses doigts dans celle-ci et serra les poings. La tête rentrée entre les épaules, elle maugréa et finit par pousser un cri de rage en relevant la tête.
Elle se releva d'un bond, en colère contre elle-même de la faiblesse qu'elle venait d'avoir.
Mais heureusement personne ne l'avait vue. Personne ne le saurait, alors pour tout le monde ce serait comme si cet instant n'avait jamais existé.

Non : ce n'est pas qu'elle refusait d'avoir des faiblesses ; elle tolérait les siennes et celles des autres.
Et non : ce n'est pas la fierté qui faisait qu'elle voulait les cacher. Mais qu'est-ce que cela apporterait de les révéler ? Rien de bon. Ni à elle, ni aux autres.
Cela ne changerait rien, parce qu'elle n'avait pas le droit d'y croire, parce que personne n'y pouvait rien.
Parce que c'était une illusion.
C'est la seule chose dont elle avait le droit de se persuader, pour ne plus risquer de souffrir et d'embarrasser.

Elle inspira profondément et reprit sa route la tête haute, un léger sourire dessiné sur les lèvres.

Elle venait d'apprendre la différence entre la fierté et la dignité.

"Les Dieux ont choisi où et quand me donner la Vie, mais ils ne décideront pas de la manière dont je la mènerai.
Ni eux ni personne ; je suis libre."